J’ai fréquenté le même Collège de la maternelle à la fin de mon Cégep. Un Collège Français à Outremont (pas trop dur de deviner lequel, il n’y en a qu’un, oui, c’est le Collège Stanislas).
En quatrième secondaire (communément appelée ‘’la 3e’’, pour mes amis frenchies), mes amies et moi avions réussi à convaincre celui qui s’occupait des activités culturelles et sociales de l’école de nous laisser animer un show de radio étudiante.
La radio était normalement réservée aux plus vieux, aux étudiants de 1ère et de Terminale (les Cégepiens).
Le gars en question était un québécois, chose rare au Collège, et nous avions su profiter de la situation en lui promettant un show 100% québécois.
Les premières semaines de notre aventure radiophonique se sont avérées plutôt décevantes : on n’avait pas assez de stock québécois pour couvrir notre heure, et lorsque nous avons dû faire jouer Marie Stone pour remplir un trou, nous avons décidé d’oublier notre concept et de passer ce qui nous plaisait, tout et n’importe quoi.
Mes amies et moi n’étions pas ‘’populaires’’. C’était la grande époque où je portais un pantalon à pattes d’éléphant vert en velours, une veste à motifs psychédéliques vintage achetée dans une friperie sur Mont-Royal, et un rideau de longs cheveux roux ondulés dans la face. Je me trouvais laide et j’étais convaincue qu’en cachant mon visage derrière ma légendaire chevelure j’allais réussir à damer le pion à ma monstruosité.
Par ailleurs, j’étais particulièrement vindicative à cette époque, j’étais reconnue pour blaster le premier venu qui oserait me niaiser, ou simplement me regarder de travers (ce qui, considérant mon look, était plutôt fréquent). J’avais un sale caractère, avouons le.
Faire de la radio me permettait enfin de me ‘’venger’’ des jocks et des pitounes Parasuco qui shakaient leurs derrières bombés sur du hip hop. Les mêmes pitounes qui avaient ri de moi quelques années auparavant quand elles s’étaient rendu compte que je ne portais pas encore de soutien-gorge (je suis issue d’une longue lignée de flat chested, je n’y peux rien).
Toutes les semaines, j’infligeais donc à mes anciens bourreaux la pire torture (à leurs yeux) en me faisant plaisir : Pink Floyd, The Doors, DJ Shadow, Jacques Brel, etc. J’ai même eu l’audace de faire jouer Whiter Shade of Pale et King Crimson quelques fois. Tout le monde nous détestait ouvertement.
Lui aussi.
À travers la grande vitre de la radio, je le voyais nous regarder avec mépris. Je m’en foutais, je le détestais aussi. Je le trouvais con avec ses airs de je-sais-tout-je-contrôle-tout, ses petits polos saumon rentrés dans des khakis Gap, sa façon de traverser la salle d’accueil avec des papiers ‘’importants’’ dans les mains, sa main mise sur le journal étudiant (il en était le rédacteur en chef), et son nom de famille qui le reliait directement à sa mère, la prof de bio qui se beurrait les paupières d’ombre bleue circa 1983.
C’est à cette époque que j’ai rencontré Martin (voir post sur la Saint-Valentin) et que notre relation amoureuse a débuté.
Un après-midi morose (cours de maths, beurk!), j’ai décidé de faire semblant d’être malade pour avoir le droit de rentrer chez moi. J’ai le gag reflex très développé, ça a très bien fonctionné…
Je suis donc allée rejoindre Martin dans le salon étudiant des finissants pour lui proposer de venir passer l’après-midi chez moi, en buvant une bouteille de vin subtilisée dans le cellier de mon père.
Martin était en train jouer au Nintendo 64 avec Lui.
G., le gars qui se prenait pour un autre et que je détestais autant qu’il me méprisait.
J’ignore pourquoi mais je l’ai invité aussi. Et j’ignore encore davantage pourquoi il a accepté.
Chez moi, nous avons ouvert la bouteille de vin promise et je leur ai fait faire le tour du propriétaire.
En entrant dans ma chambre, G. a tout de suite remarqué l’immense reproduction du Printemps de Botticelli.
Martin semblait croire que c’était de la peinture à numéros…
Un subtil changement s’est produit, j’avais envie que G. m’apprécie, qu’il me trouve cool, etc. Nous avons parlé pendant des heures de littérature, de peinture, de politique. Martin se taisait, ou faisait des blagues qui tombaient à plat. Nous ne l’écoutions même pas. Je n’avais d’yeux que pour G., je buvais ses paroles, j’étais sous le charme.
J’ai poussé l’audace jusqu’à lui dire ‘’je t’aime’’. Devant Martin, qui était officiellement mon chum, et à qui je n’avais toujours pas dit ces mots. Ouains. Pas ma meilleure performance, mettons…
Les jours suivants, G. m’appelait tous les soirs et nous discutions pendant des heures. Jusqu’à ce que je l’invite à nouveau chez moi, un soir où mes parents étaient absents. Ce soir là nous nous sommes embrassés et avons convenu qu’il fallait que je rompe avec Martin.
G. a été mon premier amour.
Martin s’en est remis, il a même avoué que nous formions un couple plus crédible que le nôtre.
Trois ans et demi d’amour et de chicanes, de ruptures ouraganesques (je sais, ça n’existe pas) et de réconciliations passionnées.
Trois ans et demi de départs et de retours, de fuck-you-crisse-de-cave et de je-t’aime-en-tabarnak.
G. et moi sommes toujours amis. Il a fait un doc à Princeton avant de s’installer en Suisse et vient à Montréal quelques fois par année, visiter sa famille et m’inviter à souper dans des restos que je ne pourrais me payer qu’en économisant pendant des mois (as if…).
J’ai toujours eu un faible pour les grandes gueules pas particulièrement humbles.
Avec mon sale caractère et ma propre tendance à l’ouvrir plus souvent qu’autrement, c’est sans doute le juste retour des choses.
Le Dandy et moi pouvons donc espérer une progéniture explosive...