samedi 28 mars 2009

''Et si je dis bonheur-silence on ne m'entendra pas.'' (P. Delerm)


Contrairement à ce que Samsonite semblait croire, je n’avais pas disparu. Seulement, seulement voilà, j’ai manqué d’inspiration pour transcrire le bonheur tranquille qui m’occupe. Le Dandy et moi vivons dans les boîtes et dormons sur un matelas simple à même le plancher du sous-sol de mes parents en attendant notre déménagement imminent mais j’ai rarement ressenti une telle sérénité, un tel calme intérieur.


Le Dandy et moi passons de nombreuses heures à écouter des épisodes de Lost en rafale, sa main sur mon ventre gonflé guettant les manifestations de plus en plus évidentes de petite Frédérique. Sans le vouloir, sans le savoir toujours consciemment, nous fermons nos frontières, nous protégeons notre empire, nos têtes penchées sur mon nombril distendu.


Dans quelques jours, je pourrai ‘’nidifier’’ à mon goût dans notre nouvel appartement. La satisfaction que je ressens est au moins égale à celle que j’anticipe en regardant les photographies de notre home sweet home, en imaginant nos joies futures derrière les portes donnant sur le couloir, comme autant de possibilités de bonheur à venir.

dimanche 8 mars 2009

Journée de la femme

Qu’est-ce que je peux dire sur la femme sans revenir constamment à elle, sans parler d’elle? Comment expliquer mon ancien dégoût de la féminité, du féminin en général, sans aborder ma rancune envers elle, ma rage, son refus de moi, mon refus de lui appartenir, de me soumettre à son autorité, à son jugement, à sa folie? En la regardant elle, je ne pouvais qu’avoir envie d’être un homme, fort, insensible à ses remarques assassines, à ses crises récurrentes, à son amertume acide qu’elle me jetait au visage, comme si elle m’en voulait de lui rappeler tout ce qu’elle aurait pu être.
Ma mère n’est pas un monstre. Fille d’immigrés irlandais pauvres et malades, elle-même soumise à la dictature d’une mère tyrannique qui régentait sa marmaille sans douceur, en s’immisçant de force dans l’intimité de ses enfants, en leur rappelant sans cesse tous les sacrifices qu’elle faisait pour eux.
Ma mère ne voulait pas lui ressembler, être esclave de son sexe, et pour ces raisons (et d’autres qui lui appartiennent), elle préféra ne pas m’allaiter et décida de retourner au travail quelques semaines après ma naissance. Elle ne serait jamais la copie de sa mère, en train d’étendre le linge sur la galerie en se demandant, une fois de plus, comment elle allait nourrir sept personnes avec une livre de steak haché et cinq patates.

Comment ne pas parler aussi d’elle, ma grand-mère maternelle, une femme de son temps, sans éducation et sans possibilité d’accéder à une quelconque liberté, une quelconque autonomie en dehors des quelques pièces trop petites de l’appartement sans eau chaude qu’elle habitait sur le Plateau, à l’époque où il n’avait rien de glamour?

Comment ne pas parler de mon autre grand-mère, fille de bourgeois d’Outremont, promise à un ‘’grand’’ avenir : devenir une femme de médecin ou d’avocat, et qui se rebella contre l’autorité paternelle, contre les mœurs de son époque, pour poursuivre des études universitaires et choisir d’épouser un ‘’pauvre’’ journaliste davantage porté sur l’alcool, le poker et les femmes et que sur le confort matrimonial et les joies de la famille?
Comment ne pas rappeler sa douleur, son insatisfaction grandissante devant la place qu’on lui réservait, dans la cuisine, un marmot dans les pattes?
Comment ne pas parler de la dépression nerveuse, de la prétendue ‘’hystérie’’ dont elle était victime et qui la poussa à renoncer à son mariage, à divorcer au vu et au su de tout le voisinage bien-pensant de NDG et à faire des études supérieures à quarante ans passés, pour enfin se réaliser, pour enfin avoir le droit à une parole qu’on lui refusait?
Comment ne pas reconnaître en elle tous les déchirements féminins, toutes les frustrations du sexe faible ayant mené à notre révolte, à notre revendication tout sauf silencieuse d’être enfin reconnues comme des égales, et non plus comme des subordonnées?

Ces femmes n’ont rien d’extraordinaire, elles n’ont pas mené de grandes batailles, elles ne sont jamais citées en exemple dans les conférences féministes, dans les congrès de bonnes femmes. Vous n’entendrez plus jamais parler d’elles, sauf ici, peut-être.
Mais ces femmes qui ont peuplé mon enfance et provoqué plus souvent qu’autrement ma colère et mon indignation sont autant de reflets de l’identité féminine, elles sont les différentes facettes d’une seule et même réalité : naître femme.

C’est à elles que je veux aujourd’hui rendre hommage.
À ma grand-mère du ‘’vieux pays’’, conservatrice, bornée, qui préférait essorer ses draps à la main dans une cuisine mal chauffée plutôt que d’exiger un lave-linge.
À mon autre grand-mère, bourgeoise et snob, qui a su relever ses manches pour se donner les moyens d’accéder au bonheur qu’elle réclamait haut et fort.
À ma mère prise dans le conflit des générations et son propre conflit identitaire, déchirée entre le désir de maternité et l’aliénation dont elle ne voulait pas être victime, et qui tenta de trouver des compromis qui s’avérèrent être autant de petits renoncements à son épanouissement.
À tous les hommes, aussi, qui nous soutiennent, nous encouragent, nous défendent et nous aiment. Merci à Papa le Grand-Manitou, Lo le petit frère protecteur, Nicho l’ami fidèle, Éric ‘’Samsonite’’ le lettreux, et évidemment, évidemment, le Dandy, l’amoureux, l’amant, l’ami, le papa de ma fille…

En cette journée de la femme, je pourrais bien sûr nous souhaiter l’égalité salariale, l’abolition du ‘’plafond de verre’’, la reconnaissance de nos compétences intellectuelles, le droit inaliénable d’être le seul et unique maître de notre corps, et tant de choses encore. Je préfère nous souhaiter la quiétude, le bonheur, la sérénité.
Je préfère nous souhaiter la paix, la fin des stériles querelles de clochers, de nos guerres intestines entre femmes qui ne font qu’affaiblir notre voix commune, dévier les débats essentiels vers des disputes de fillettes et diluer notre essence.

J’espère que ma fille n’aura jamais besoin de souhaiter être un homme pour que sa voix résonne, que son opinion soit entendue, écoutée, reconnue.
Je l’espère forte et sensible, jusqu’au bout des petites bottines roses avec lesquelles elle apprendra à marcher, debout, droite et fière.

vendredi 6 mars 2009

Montée de lait (précoce)

Faut-tu être assez cave pareil!
Sur le blogue de Jean-Luc Mongrain, ce commentaire à propos de l'arrestation de Jean-François Harrisson pour possession et distribution de matériel pornographique juvénile:

''Voilà mr.Mongrain,ce qui arrive dans les enfants-roi,deviennent eux-même des parents.Ils installent des t.v.des consoles de jeux,ordinateurs,le cellulaire et le téléphone,il ne manque plus qu`une salle de bain privé,(attendez ça prendra pas cent ans), dans leur chambre,et ces parents-là ne les superviseront rien ou très peu,parce que ce serait violer leur intimité.Faudrait pas les contrarier ces petits chéris qui font tout pour faire plaisir aux parents (...)''
Ben oui, c'est ça, c'est sans doute parce que des parents n'ont pas surveillé leurs enfants et leur ont installé une console de jeu dans leurs chambres que l'acteur possédait des photos montrant des agressions sexuelles commises contre des mineurs. Ces parents irresponsables ont sans doute laissé des inconnus entrer dans la maison, violer leurs enfants, prendre des photos du viol, et repartir en sifflotant. Pfff!
Suite à une discussion avec mon frère (qui a une télé, un téléphone, un cellulaire, un ordinateur portable et une XBox360 dans sa chambre chez mes parents), nous avons conclu que l'auteur du commentaire avait probablement élévé ses enfants dans une cage, un sac de jute sur la tête...
C'est la femme dans L'Arrache-coeur, de Vian, qui serait contente...

jeudi 5 mars 2009

Profession: tyran orthographique

J’ai passé les derniers jours à réviser les épreuves d’un dictionnaire visuel pour les Éditions Québec Amérique. Des heures et des heures de lecture de définitions, de ‘’gossage’’ de virgules, de questionnements profonds sur l’emploi de certaines locutions et de réécriture d’adjectifs numéraux en toutes lettres. Des heures et des heures de ‘’sacrage’’ aussi, à me décoller la rétine sur les minuscules caractères (6, genre…). Bilan : j’ai survécu et j’ai appris pas mal de choses à propos du réticulum endoplasmique et d’autres notions essentielles.

Je dois avouer que j’étais passablement stressée en renvoyant les quatre tomes aux éditeurs. C’était ma première collaboration à un dictionnaire et on s’entend qu’un dictionnaire, ben, tsé, c’est pas bourré de fautes à la base, c’est pas écrit par des analphabètes. Ces gens-là s’en rendent compte si tu leur remets un travail ‘’botché’’, si tu as oublié des fautes, si tu n’as pas vu toutes les coquilles… C’est donc en réprimant de nombreux haut-le-cœur d’angoisse que j’ai laissé le colis entre les mains de l’employé de Purolator, c’est le souffle court que j’ai ouvert le courriel envoyé par mon contact chez Québec Amérique quelques heures plus tard.
Le Dandy, qui me rassurait en disant que j’étais la meilleure, la plus compétente et toutes les choses qu’un chum dit à sa blonde dévorée par l’inquiétude, avait finalement raison : j’ai passé le test haut-la-main et j’ai déjà décroché un autre contrat avec Québec Amérique.

C’est hautement jouissif de gagner sa vie en corrigeant les mots des autres. Mon côté maîtresse-d’école-qui-reprend-tout-le-monde est enfin perçu comme une qualité et je peux barbouiller d’un rouge sang des pages et des pages de texte avec un plaisir sadique. Je sublime ainsi toutes mes pulsions meurtrières et ça fait sans doute de moi une bien meilleure blonde, une bien meilleure mère en devenir. Évidemment, il m’arrive également de faire des fautes, je suis humaine, trop humaine, et je me réveille parfois en sursaut, angoissée par un mot mal orthographié ou une construction grammaticale douteuse.
Certains craignent la mort, moi j’ai peur du mot. Une petite lettre de moins mais autant de tourments…