Qu’est-ce que je peux dire sur la femme sans revenir constamment à elle, sans parler d’elle? Comment expliquer mon ancien dégoût de la féminité, du féminin en général, sans aborder ma rancune envers elle, ma rage, son refus de moi, mon refus de lui appartenir, de me soumettre à son autorité, à son jugement, à sa folie? En la regardant elle, je ne pouvais qu’avoir envie d’être un homme, fort, insensible à ses remarques assassines, à ses crises récurrentes, à son amertume acide qu’elle me jetait au visage, comme si elle m’en voulait de lui rappeler tout ce qu’elle aurait pu être.
Ma mère n’est pas un monstre. Fille d’immigrés irlandais pauvres et malades, elle-même soumise à la dictature d’une mère tyrannique qui régentait sa marmaille sans douceur, en s’immisçant de force dans l’intimité de ses enfants, en leur rappelant sans cesse tous les sacrifices qu’elle faisait pour eux.
Ma mère n’est pas un monstre. Fille d’immigrés irlandais pauvres et malades, elle-même soumise à la dictature d’une mère tyrannique qui régentait sa marmaille sans douceur, en s’immisçant de force dans l’intimité de ses enfants, en leur rappelant sans cesse tous les sacrifices qu’elle faisait pour eux.
Ma mère ne voulait pas lui ressembler, être esclave de son sexe, et pour ces raisons (et d’autres qui lui appartiennent), elle préféra ne pas m’allaiter et décida de retourner au travail quelques semaines après ma naissance. Elle ne serait jamais la copie de sa mère, en train d’étendre le linge sur la galerie en se demandant, une fois de plus, comment elle allait nourrir sept personnes avec une livre de steak haché et cinq patates.
Comment ne pas parler aussi d’elle, ma grand-mère maternelle, une femme de son temps, sans éducation et sans possibilité d’accéder à une quelconque liberté, une quelconque autonomie en dehors des quelques pièces trop petites de l’appartement sans eau chaude qu’elle habitait sur le Plateau, à l’époque où il n’avait rien de glamour?
Comment ne pas parler de mon autre grand-mère, fille de bourgeois d’Outremont, promise à un ‘’grand’’ avenir : devenir une femme de médecin ou d’avocat, et qui se rebella contre l’autorité paternelle, contre les mœurs de son époque, pour poursuivre des études universitaires et choisir d’épouser un ‘’pauvre’’ journaliste davantage porté sur l’alcool, le poker et les femmes et que sur le confort matrimonial et les joies de la famille?
Comment ne pas rappeler sa douleur, son insatisfaction grandissante devant la place qu’on lui réservait, dans la cuisine, un marmot dans les pattes?
Comment ne pas parler de la dépression nerveuse, de la prétendue ‘’hystérie’’ dont elle était victime et qui la poussa à renoncer à son mariage, à divorcer au vu et au su de tout le voisinage bien-pensant de NDG et à faire des études supérieures à quarante ans passés, pour enfin se réaliser, pour enfin avoir le droit à une parole qu’on lui refusait?
Comment ne pas reconnaître en elle tous les déchirements féminins, toutes les frustrations du sexe faible ayant mené à notre révolte, à notre revendication tout sauf silencieuse d’être enfin reconnues comme des égales, et non plus comme des subordonnées?
Ces femmes n’ont rien d’extraordinaire, elles n’ont pas mené de grandes batailles, elles ne sont jamais citées en exemple dans les conférences féministes, dans les congrès de bonnes femmes. Vous n’entendrez plus jamais parler d’elles, sauf ici, peut-être.
Mais ces femmes qui ont peuplé mon enfance et provoqué plus souvent qu’autrement ma colère et mon indignation sont autant de reflets de l’identité féminine, elles sont les différentes facettes d’une seule et même réalité : naître femme.
C’est à elles que je veux aujourd’hui rendre hommage.
À ma grand-mère du ‘’vieux pays’’, conservatrice, bornée, qui préférait essorer ses draps à la main dans une cuisine mal chauffée plutôt que d’exiger un lave-linge.
À mon autre grand-mère, bourgeoise et snob, qui a su relever ses manches pour se donner les moyens d’accéder au bonheur qu’elle réclamait haut et fort.
À ma mère prise dans le conflit des générations et son propre conflit identitaire, déchirée entre le désir de maternité et l’aliénation dont elle ne voulait pas être victime, et qui tenta de trouver des compromis qui s’avérèrent être autant de petits renoncements à son épanouissement.
À tous les hommes, aussi, qui nous soutiennent, nous encouragent, nous défendent et nous aiment. Merci à Papa le Grand-Manitou, Lo le petit frère protecteur, Nicho l’ami fidèle, Éric ‘’Samsonite’’ le lettreux, et évidemment, évidemment, le Dandy, l’amoureux, l’amant, l’ami, le papa de ma fille…
En cette journée de la femme, je pourrais bien sûr nous souhaiter l’égalité salariale, l’abolition du ‘’plafond de verre’’, la reconnaissance de nos compétences intellectuelles, le droit inaliénable d’être le seul et unique maître de notre corps, et tant de choses encore. Je préfère nous souhaiter la quiétude, le bonheur, la sérénité.
Je préfère nous souhaiter la paix, la fin des stériles querelles de clochers, de nos guerres intestines entre femmes qui ne font qu’affaiblir notre voix commune, dévier les débats essentiels vers des disputes de fillettes et diluer notre essence.
J’espère que ma fille n’aura jamais besoin de souhaiter être un homme pour que sa voix résonne, que son opinion soit entendue, écoutée, reconnue.
Je l’espère forte et sensible, jusqu’au bout des petites bottines roses avec lesquelles elle apprendra à marcher, debout, droite et fière.
"Samsonite"? Vraiment?
RépondreEffacerJe pensais que c'te joke-là était épuisée depuis que mon prof d'anglais de secondaire 4 m'appelait de même...
Eh ben tu vois, j'ai un humour de quatrième secondaire! Sérieusement, j'aime bien ce surnom, ça te donne un côté machine ou super-héros. Je ne pensais pas aux valises...
RépondreEffacerMouin.
RépondreEffacerC'est un peu comme "Samsung" ou des jokes de "hahaha il est à la radio mais il est Sans Son".
Téka. La journée de la femme est finie, maintenant j'ai pas à me sentir mal de te varloper sur ton propre blogue :P
Je me suis habituée à me faire varloper, ne t'en fais pas. Mais, en tout cas, t'aurais quand même pu remarquer que je t'avais remercié dans le post, tsé...
RépondreEffacerSuper post, des hommages touchants.
RépondreEffacer*COMMENTAIRE POST BLOG-OFF*
RépondreEffacerJ'aurais bien aimé te jaser plus longtemps car tu semblais fort sympathique, mais les circonstances et la timidité cachée sous ma tuque ont fait en sorte que notre échange fût extrêmement bref, mais agréable si je me souviens bien...
...hmmm?
À moins qu'on se soit battus dans les toilettes...
...maudite boisson.
Au plaisir de te revoir. ;-)
Hmmm... Étrange tout cela, car je n'étais pas du Blog-Off! Mon frère fêtait ses 18 ans et c'est donc avec lui que j'ai passé la soirée. Tu dois me confondre avec une autre.
RépondreEffacerÀ moins que quelqu'un se fasse passer pour moi.
Puisque je ne suis pas fervente des théories de complot, j'opte pour la plus probable des hypothèses: l'alcool...
Il me fera plaisir de te rencontrer vraiment un de ces jours, cela dit. Je suis effectivemnt très sympathique, hahahaha!
Alors je n'ai aucune idée de l'identité de cette personne sympathique avec laquelle j'ai brièvement discuté, ni de l'homme moustachu à côté duquel je me suis réveillé au petit matin.
RépondreEffacerMaudite boisson.
Au plaisir de te rencontrer pour vrai alors ;-)
On te pimpe sur Blogosphère-Branchez-vous et tu décides de prendre ce moment-là pour arrêter d'écrire.
RépondreEffacerNom de nom.
(J'ai vu que tu m'avais remercié. De rien.)
Je suis juste fatiguée, Samsonite. Très, très, très fatiguée...
RépondreEffacerJe reviendrai, don't worry...